Tout comme Isha, nous sommes nombreux à avoir écouté et aimé Lalcko au début des années 2000, et ce pendant une bonne décennie. Décennie qu’il a récemment appelé “Alternative rap libre”, dix années passées entre maxis, mixtapes et albums. Entre 45 scientific et indépendance, entre cigare et nostalgie, entre prestige et collections, entre don et malédiction, entre Lumumba et Napoléon, entre entreprise et extension du territoire, entre tectonique des plaques et morceaux fleuve, entre cœur et esprit, entre rap et visions de vie, en résumé : mes plus belles années d’auditeurs
Seulement voilà , en 2011-2012, certainement après avoir éprouvé les difficultés inhérentes à la sortie d’un album, en totale indépendance, le défendre, le faire vivre et le porter juste à la force de ses bras, et aussi probablement avec cette impression d’avoir fait le tour de la question, Lalcko a commencé à se faire rare comme un athée au Vatican, nous laissant comme orphelins.
Fuck losing weight, le leak de maquettes époque 45, et quelques apparitions en featuring ici ou là , globalement, Lalcko a donné trop peu de nouvelles pendant de trop longues années.
En 2018, la parole est toujours rare et le silence pesant, mais les rumeurs de retour commencent Ă se faire de plus en plus insistantes.
“Je les entends jouer, je les entends jacter”
C’est un an plus tard, à 10 jours de noël 2019, Lalcko nous transmet ce message via twitter : “Les gars je sais encore rapper. Je vous partage ma vibe du soir…”
Ce qu’il appelle vibe, nous appellerons ça un retour en grande pompe.
Sidi Sid fournissant une boucle de cuivre entĂŞtante et Lalcko livrant une interrogation sur sa place dans le rap, sa place dans la vie, ainsi s’amorce le comeback du Camer Most Wanted. Here we go.
Comme il fait parti de ceux que les imprévus rendent imprévisibles, Lalcko sort ensuite un deuxième extrait : Les singes.
Butter Bullets à la prod pour un rap soit disant apaisé. Si nous sommes loin de ce qu’il fut, on ne peut dire pas dire que L.A.L ne soit devenu “peace” pour autant. Non, poussière de guerre, poussière de passérévolu, il ne fait que rallumer la flamme en soufflant sur les cendres du feu de la veille.
Par la suite, El Commandanté ne nous laisse que très peu le temps de réfléchir puisqu’il annonce l’album et remet dans la foulée tous ses projets en streaming, avec cover alternative et enrichis de tracks inédits de l’époque… Rendons à César Charp Classic ce qui appartient à César Charp Classic.
(Ce qui nous fait penser que vous pouvez aller lire l’excellente enquête de l’abcdrduson sur l’héritage abandonné du rap français)
Comme on arrête pas un homme qui marche seul comme une armée, deux projets à vocation plus inédite, toujours avant l’album, viennent étoffer cette abondante récolte :
– Capital 2
– L’eau lave mais l’argent rend propre, le film
En résumé, de l’ancien pour le souvenir et de l’inédit pour la mise en jambe.
Si la stratégie paraît simple, son efficacité n’est plus à prouver.
Immuablement la tĂŞte est toujours pensante, le ventre toujours poussant, la rage toujours pesante, l’énergie toujours africaine, le gouvernement toujours de rue et l’Histoire toujours en mouvement. Et ça fait toujours peur aux français comme un ghetto allemand, aux allemands comme un ghetto turc, aux turcs comme un ghetto kurde… Si parfois la prise de recul rend amnĂ©sique, ici ni oubli, ni pardon, seulement des certitudes : c’est toujours la vision d’un putain d’homme contre les hommes putain.
27 mars 2020 : fin de l’échauffement, place à l’album
B.A.G.S pour nom de code, la haine au bout d’une laisse, Bougs Assoiffés de Gros Sous. guettent le bon timing pour pénétrer l’sas !
La première fois que l’on avait entendu cette acronyme c’était en 2008, nous étions alors juste une fois champion du Monde, mais déjà “Victorieux” grâce à Lalcko et Groove magazine. Guette mon capital, feu !
Le bon sens veut qu’on ne commente pas un album de Lalcko à chaud comme on ne met pas sa main dans un piège à loup.
Et pourtant, ce qu’on peut néanmoins dire c’est qu’on le retrouve tel qu’il a toujours été, un rappeur puissant, direct et imagé. Aucun déguisement, aucune poudre aux yeux, attaque pour attaque et attaque pour seule défense sur ce 19 titres dense et rugueux.
Sur la plupart des titres, L.A.L rappelle Ă qui l’aurait oubliĂ© qu’il a la tradition du combat en lui et que comme Ă l’Ă©poque de “Les oiseaux se cachent pour tuer », “un tir dans notre direction et il transforme nos tĂŞtes en nourriture pour bĂ©bé ». Il n’a pas l’intention de la violence mais il la pratique. Toujours.
À cette continuité viennent s’ajouter quelques nuances et des morceaux tels que “Les bateaux”, “Une nuit à lampedusa” ou “La babimbi” feront date de par leur colère froide et réfléchie, saupoudrée de storytelling. Le rap ne nous rendra pas ce que la vie nous a pris mais Lalcko boxe toujours avec les mots et fait pleuvoir les coups, violent comme un remord.
On ne sort pas indemne d’un tel album, nous nous devons de le faire vivre et en comprendre les subtilités, nombreuses et multiples. Une telle proposition se doit d’exister dans le paysage rapologique.
Y’aura-t-il un lendemain ? Y’aura-t-il une limite ? Tout ce qu’on sait c’est que Lalcko enchaîne les grands travaux avec maestria.
“Que le sage écoute et il augmentera son savoir”
Pour prĂ©commander l’album en cd, c’est ici que ça se passe.
Pour Ă©couter B.A.G.S, c’est lĂ .
Élie fait aussi dans les formats courts sur twitter : @SoldatSansJoie
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